DEMARCHE :

La création m’est oxygène,

La construction m’est ossature.

 

Il y a des formes et des couleurs,

Des  matériaux, pigments glanés,

Par eux existent des chemins,

Des ronds, des creux, et puis des pleins.

Le dessin de lettres codées

Devient  symbole de  liberté.

Des mots qui sont apprivoisés

Chevauchent bois et fer rouillé.

Des formes  qui sont assemblées

Décrivent  un monde pour exister.

Des tissus, verres et végétaux,

Coton, ciment, miroir, des os,

S’imbriquent et construisent ensemble

Un cheminement qui me ressemble.

Un foisonnement à peine conscient

Devient  reflet de l’inconscient.

Mobiles légers pour s’envoler,

Installations à peine posées,

Sculptures, peintures et écriture,

Se côtoient, se déploient sans cesse.

Ils unissent passé et futur,

Songe et réel avec hardiesse.

 

C’est l’univers

Que j’ai créé

Pour respirer,

Me sentir vivre,

Tenir debout.

 

Pascale Debelloir-Forgerit

 

 

Si je devais essayer d’expliquer …

 

      Je ne me situe dans aucune catégorie. Lorsque je construis, chaque matériau, chaque forme, chaque tracé prend pour moi une signification évidente, mon esprit transforme en image représentative ce qui d’un premier abord ne semble rien signifier. Si d’autres que moi voulant la « classer » il me fallait la définir, alors je dirais que ma création se situe dans  le domaine de l’art  « inclassable ».

    Mon travail de création est fait de constructions, de signes, d’émotions, de représentations personnelles jamais établies de manière définitive. C’est un monde d’équilibre entre instants passés et futurs, un monde essentiel où la base de vécu sert d’assise à mon besoin de liberté intérieure et lui permet d’exister.

      Pour chaque œuvre, je ne sais pas à l’avance quel en sera l’aboutissement, je sais simplement qu’elle doit être.  Au fil de sa construction je découvre ce que je cherche à exprimer, d’où un début de processus qui s’est actuellement  installé, « méthode » qui durera jusqu’à ce que je ressente le besoin d’en changer : je construis, je trace des lignes, des chemins, j'y mets des couleurs, enfin j’écris, alphabet personnel  créé il y a des années et qui au fil du temps s’est imposé comme un mode d’expression nécessaire à quasiment chaque œuvre.

      Après avoir été dans la représentation figurative, je me suis peu à peu tournée spontanément vers l’abstraction, désormais ces deux définitions se mélangent.   Il arrive parfois qu’une forme plus précise apparaisse dans un coin d'une de mes créations, je l’accepte et la laisse telle quelle, ou bien je la refuse et y ajoute des éléments déformants, comme une lutte imprévue entre construction et destruction. Rien ne me guide dans ce choix, ni réflexion consciente ni désir de suivre un mode de fonctionnement établi, je laisse aller mon besoin de l’instant.

     Je récupère des matériaux,  je les ressens comme importants  et je les stocke sans en connaître à l’avance leur utilisation, ils m’attendent. Lorsque je crée, je regarde, je ressens ces matériaux, et puis tout à coup, je sais quel est celui dont j’ai besoin pour commencer la  construction. Puis un autre suit, etc… Parfois les matériaux semblent se rassembler d’eux-mêmes, comme si un fil invisible les avait toujours reliés, ma sculpture alors se construit rapidement au moins dans mon imagination. Parfois, les premiers éléments s’imposent à moi  mais pour aboutir dans ma recherche, sans but connu au départ, je dois retourner au milieu de mes matériaux et me laisser à nouveau aimanter par certains d’entre eux. Pour cette construction-là, un travail de maturation me semble avoir été nécessaire.

      Au regard de ce qu’ils peuvent me permettre d’exprimer  dans ce travail de recherche, les bois tordus, métaux rouillés, os, cailloux, végétaux, les vieux papiers, etc, …, me sont extrêmement précieux, ils prennent le pas sur des matériaux ordinairement perçus comme plus nobles.

      J’ai besoin de volume pour être dans le concret de manière plus évidente. Aux trois dimensions s’en ajoute une quatrième, mon imagination puis le regard des autres m’en offre une cinquième, celle de leur propre perception de ce que je crée.

     Recherchant toujours d’autres chemins à ma recherche, lorsque je regarde de plus anciennes créations, je sens que le sens que je leur avais donné ne représente qu’une petite partie des sens qu’elles peuvent avoir, comme si ce qu’elles pouvaient exprimer ne pouvait être cloisonné dans une seule interprétation ressentie à un moment précis d’une vie donnée, comme si l’œil et l’esprit  au fil du temps qui passe, amoindrissaient  le ressenti de l’instant afin qu’il se fonde dans l'oeuvre et ne prenne pas plus d’importance que les autres sensations. J’ai alors le sentiment que cette pièce s’autonomise, comme un enfant, imprégné du mode de pensée de ses parents, mais ayant acquis son propre état d’être. Je pourrais presque dire que lorsque je la regarde, c’est d’égal à égal, imprégnée de moi elle a cependant acquis son autonomie d’Etre séparé.

      Je construis debout, à genoux, couchée, exercice physique naturel  et nécessaire pour m’approprier toutes les facettes que chaque matériau peut m’offrir.

     Je crée par besoin de ressentir l’air de la liberté, besoin propre à chacun de nous, besoin souvent étouffé par la couche de vernis  que l’on endosse  avec plus ou moins de facilité pour arriver à vivre en société, « je crée pour survivre sous ce vernis ».

      Lorsque je suis immergée  dans mon  travail créatif, je m’isole du reste du monde. C’est cependant cette même création qui pour moi est le  seul vrai chemin pour y revenir et y avancer.

Pascale Debelloir-Forgerit